Kevin DOUILLEZ

Kevin Douillez (1990)

Plasticien autodidacte, Kevin Douillez construit depuis plusieurs années un récit cohérent en dialogue avec la matière. Exposé à Bruxelles, Los Angeles, Singapour et Madrid. Il habite et travaille dans le sud de Bruxelles.

S’il a toujours eu un goût pour les terres, depuis son enfance, c’est dans la véhémence du geste qu’il apprivoise ses pulsions internes. Complices, le contact se fait par l’étreinte, jusqu’à l’épuisement, en vue d’extérioriser des maux internes.

Libre d’expérimenter, Kevin Douillez aborde l’imaginaire abstrait sous la forme d’un purgatoire. Projetées, éclatées, incisées, les couches de peintures acryliques se répondent les unes aux autres afin de construire un — nouvel — équilibre dans le désordre.

Ce dernier est celui d’une charge, d’un trouble, d’une vie à purifier. Le bruit, le mouvement, la vulnérabilité, l’instabilité, les tristesses, les angoisses se muent, par cette action, en silence ordonné. Sous les allures d’une méditation, l’acte de peindre devient un voyage introspectif, émotif, dont l’objet principal est la recherche de la lumière. En ce sens, le grand format brut de ses toiles de coton est choisi avec soin ; elles happent et permettent d’accueillir l’agressivité frénétique de ce conflit entre la matière et l’esprit.

En recherche métaphysique, Kevin Douillez dépeint son sujet par la confrontation et la perméabilité, comme s’il était habité. Voir l’artiste peindre, c’est assister à une performance, une transe, une catharsis, où les douleurs vécues se déchargent et font apparaître des lumières insoupçonnées. En jaillissant, celles-ci confèrent à son œuvre une allure de journal intime où les états d’âme se voient anonymisés ; ils appartiennent au passé.

Ces états touchent à l’oubli et permettent à Kevin Douillez de coexister avec ses douleurs.

Au départ d’une quête personnelle, le résultat plastique ouvre de nouvelles voies. En effet, par les aspects colorés, séducteurs et chatoyants qui apparaissent, l’artiste donne à voir, à l’aide de techniques mixtes, un nouveau monde où l’équilibre plastique octroie, une présence supplémentaire, un temps de sérénité. Pour le public, la recherche d’une historicité, la construction d’un chemin, d’une forme de récit dans ces entrelacs est quasi impossible ; l’abord coloré et lumineux est trompeur si l’on fait abstraction du contexte spirituel dans lequel ces œuvres émergent.

Dans le même sens, les titres n’informent pas davantage sur les stigmates de l’artiste. Seules restent les traces de l’expiation et les notes de musique qui résonnent dans l’atelier.

Sans fonctionner de manière sérielle, son travail dégage des thématiques où l’impression de nature, l’ouverture à un autre monde, la répétition de formes et de gestes donnent une importance majeure à l’acte de peindre.

L’évasion dans l’abandon et la recherche de la paix intérieure apparaissent comme ses deux gageures principales. Celles-ci sont des exercices de pleine conscience qui permettent à l’artiste de canaliser les visions de son esprit. Fortes, elles hantent et poussent à trouver un dernier équilibre, la paix ; elles deviennent, de manière incessante, les guides de son action, les rites de son quotidien.

Anthony Spiegeler